Le TAS parle Lenglet : jurisprudence ?

Le Tribunal Arbitral du Sport enjoint le FC Séville à dédommager L’AS Nancy Lorraine pour la mutation de Clement Lenglet. Cette décision, qui confirme celle rendue par la FIFA, est intéressante d’un point de vue juridique et pratique. Explications.

Le TAS parle Lenglet : jurisprudence ?

Lors d’une opération de transfert, les clubs ont pour habitude de prévoir, en sus de l’indemnité de transfert, un intéressement à la revente en cas de plus value dans une future opération de transfert payant entre le club acquéreur et un nouveau club. Cette technique, relativement courante, permet de faciliter les négociations lorsque le club acquéreur n’est pas en position de verser la somme exigée initialement par le club cédant ou lorsque le club acquéreur souhaite minimiser les risques lors de l’acquisition d’un joueur.

 

 

L’AS Nancy Lorraine avait cédé le joueur Clément Lenglet pour une somme de 5 millions d’euros au FC Séville, tout en prévoyant contractuellement dans un accord entre les deux clubs, que l’AS Nancy Lorraine percevrait 12% de la plus value lors du futur transfert du joueur. Un an et demi plus tard, le FC Barcelone acquiert Clément Lenglet moyennant 35 millions d’euros. Dans le cadre de cette opération, Le joueur résilie unilatéralement son contrat de travail le liant au FC Séville. Une action qui lui est permise du fait de la clause de résiliation insérée dans son contrat prévoyant la possibilité de résilier unilatéralement son contrat en l’échange du versement de 35 Millions d’euros par le joueur.

 

 

Le problème juridique repose sur la nature de l’opération concernant l’acquisition de Clément Lenglet par le FC Barcelone. En effet, juridiquement parlant il ne s’agit pas de transfert payant, mais d’une résiliation unilatérale du contrat de travail par joueur suivi d’un enregistrement libre auprès du FC Barcelone. Ainsi Séville se défend d’avoir à effectuer un versement auprès de l’AS Nancy Lorraine puisque juridiquement, il ne s’agissait pas d’un transfert payant, et que contractuellement il était prévu entre l’AS Nancy Lorraine et le FC Séville que le versement d’un intéressement n’aurait lieu qu’en cas de transfert.

 

 

Rappelons qu’en Espagne, contrairement à la France, il est permis de prévoir dans le contrat de travail du joueur une clause de résiliation permettant au joueur de se défaire librement de son contrat moyennant une indemnité prévue à l’avance. En pratique, c’est très souvent le futur club qui règle la clause de résiliation. Cette possibilité est directement prévue par l’article 17 du règlement du statut et transfert du joueur de la FIFA. On a pu retrouver ce genre d’opération dans les enregistrement de Neymar auprès du PSG ou encore Griezmann auprès du FC Barcelone. Cette clause de résiliation évite au futur club acquéreur d’avoir à négocier avec le club du joueur pour s’attacher ses services. Mais cette pratique, qui a tout d’un transfert en surface, peut avoir une lourde conséquence pour d’autres clubs.

Ainsi dans le cas de Clément Lenglet, le TAS a vraisemblablement déterminé que le paiement de la clause de résiliation a été réalisé in fine non pas par Clément Lenglet mais par le FC Barcelone lui-même. En conséquence, cette opération peut être assimilée à un transfert permettant au club de l’AS Nancy Lorraine de légitimement se prévaloir du versement de l’intéressement au transfert.

 

 

Cette décision est à saluer, et vient en réponse à un vide juridique observé lors des résiliations unilatérales de la part des joueurs lorsque la clause de résiliation est activée. Les acteurs lésés sont souvent les anciens clubs ou des agents qui avaient prévu contractuellement un intéressement sur la vente ou le versement de commission en cas de vente futur du joueur. Les arbitres du TAS se sont donc fondés sur la volonté des parties, en interprétant le fait que le pourcentage sur un transfert concerne également la clause libératoire du joueur levée par un club. Il s’agit donc d’un artifice juridique pour rétablir l’équité. Le TAS a dégagé une solution voire un principe en interprétant ce que voulaient les parties.

 

 

Cette décision pourra-t-elle être étendue au mécanisme de solidarité qui prévoit que les clubs ayant formé le joueur de la saison du 12e anniversaire au 23e anniversaire puisse percevoir 5% du total de l’indemnité de transfert en cas de transfert international ? Cette question se pose avec une acuité nouvelle à l’aune de la décision du TAS. Lors de la levée de la clause de résiliation, les clubs, souvent amateurs, ne peuvent prétendre à cette indemnité alors que l’opération peut s’apparenter à une opération de transfert. Dans l’actualité, nous pouvons citer le cas de Cédric Bakambu parti de Villaréal pour la Chine au Beijing Guoan, privant le club de l’US Ivry et du FC Sochaux de toute indemnité puisqu’il ne s’agissait pas d’un transfert mais d’une résiliation unilatérale suivi d’un enregistrement libre.

 

 

Voici donc un éclairage sur la décision du TAS. Pour être tout à fait complet, pour connaître la véritable intention des arbitres du TAS, il faudra attendre la publication des motifs de la décision