Droit à l’image : du dénominateur commun à l’intérêt individuel

Dans une interview accordée à l’Equipe le 22 juin 2020, Philippe Piat, président du Syndicat de l’Union Nationale des Joueurs Professionnels, appelle de ses voeux le retour du droit à l’image collective. Décryptage des enjeux de cette proposition.

Droit à l’image : du dénominateur commun à l’intérêt individuel

Le droit à l’image collective a été supprimé en 2010 par l’Assemblée Nationale. Roselyne Bachelot, alors Ministre de la Santé et des Sports avait défendu la suppression de ce dispositif qui permettait aux clubs  d'être exonérés de charges sociales sur 30% des rémunérations qu'ils versaient à leurs joueurs. Le Gouvernement en place avait pointé des  des dérives au sein des clubs, qui consistaient à faire passer abusivement des salaires sur le régime du droit à l’image pour bénéficier de l’exonération de charges sociales. La suppression de cette « niche fiscale » avait en outre permis à l’Etat de récupérer environ 34 millions d’euros de recettes.

 

En 2017, à l’initiative du Sénat, une Loi sur l’éthique, la transparence et la compétitivité du sport professionnel français a été adoptée. L’article 7 de la loi, intégré dans le Code du Sport, a permis d’introduire un nouveau dispositif d’exonération de charges sociales pour l’employeur lorsqu’il exploite l’image individuelle des joueurs. Cette individualisation a plusieurs effets : la rémunération n’est plus forfaitaire, elle est proportionnelle et adaptée à chaque joueur car fixée objectivement sur les revenus que le club peut générer à partir de l’exploitation de son image.  

 

Ce régime est intéressant pour les clubs, qui retrouvent les marges de manoeuvre perdues en 2010 pour alléger les charges sur la rémunération des joueurs. Il est d’autant plus favorable aux « gros clubs » qui parviennent à générer des revenus importants grâce au sponsoring et aux produits dérivés alors que le droit à l’image collective pouvait être mis en oeuvre par l’ensemble des clubs.

 

Pour les joueurs, le dispositif a la vertu de créer une distinction nette entre le salaire perçu de leur activité sportive et les revenus liés à l’exploitation de leur image, qui ne fait pas partie du spectacle sportif. Cette distinction est importante car les sommes récoltées via le droit à l’image ne sont pas soumis à l’impôt sur le revenu mais à la contribution sociale sur les revenus du patrimoine à un taux de 17,2%. Les sportifs les mieux rémunérés en France parmi lesquels figurent les joueurs de football, sont très souvent soumis à un taux d’imposition sur les revenus du travail beaucoup plus important que les 17,2% évoqués ici.  

 

Cependant, la Loi prévoit que les seuils de salaire à partir desquels les sportifs peuvent bénéficier de ce dispositif et la redevance maximum autorisée doivent être fixés par les conventions collectives de chaque discipline. Un accord doit donc être trouvé entre les organisations représentatives des employeurs et celles des salariés pour mettre en oeuvre le droit à l’image individuel. Les négociations promettent d’être animées sur le seuil du salaire permettant de déclencher le dispositif : les clubs souhaitent le maintenir le plus bas possible, tandis que les joueurs ont plutôt intérêt à garantir un salaire fixe plus élevé pour ne pas dépendre d’une redevance variable, hypothétique et qui profitera surtout aux « gros joueurs ». 

 

En résumé : 

  • Philippe Piat plaide pour un retour du droit à l’image collectif, régime disparu en 2010 et qui a cédé la place en 2017 à un dispositif basé sur l’exploitation du droit à l’image individuelle des joueurs 
  • La part de la rémunération liée à l’exploitation de l’image du joueur n’est donc plus forfaitaire mais proportionnelle à la valeur du joueur et indexée sur les recettes que le club peut générer grâce à l’exploitation de l’image du joueur 
  • Ce régime est intéressant pour les clubs car il permet de retrouver une exonération de charges sociales, ce qui contribue à améliorer l’attractivité et la compétitivité des clubs professionnels français
  • Il est également intéressant pour les joueurs car les revenus liés à l’exploitation de leur image individuelle par les clubs sont moins imposés que les revenus directement liés au spectacle sportif. 
  • Pour mettre en oeuvre ce dispositif, un accord doit être trouvé entre les instances représentatives des clubs et les instances représentatives des joueurs et être inscrit dans les conventions collectives de chaque discipline
  • Les négociations doivent donc avoir lieu et les débats promettent d’être vifs sur le seuil de salaire à partir duquel le dispositif est déclenché : les clubs seront enclins à le fixer le plus bas possible mais les joueurs ont de leur côté plutôt intérêt à garantir un salaire fixe plus élevé pour ne pas dépendre d’une redevance hypothétique.