Comment évalue-t-on le prix d’un joueur ?

Depuis quelques années, on entend dire que le marché des transferts dans le monde du foot est devenu fou. Ce débat ne date pas d’hier. En effet, en 1984, Maradona devenait le joueur le plus cher de l’histoire avec une transaction de près de 6 millions d’euros. ll a ainsi explosé le record jusqu’alors détenu par Cruijff avec un transfert d’environ 1 millions d’euros. Puis en seulement 4 ans, de 1997 à 2001, le record passait de 23 millions d’euros pour le transfert du brésilien Denilson à 81 millions d’euros pour le transfert de Zidane à Madrid. Les responsables de ces transferts sont-ils devenus fous ? Ou bien s’agit-il d’une évolution logique dans le monde du foot ? Nous allons tenter de comprendre comment aujourd’hui un gamin de 20 ans peut valoir plus de 10 Maradona de l’époque, en passant en revue la quinzaine de critères principaux qui déterminent le prix d’un joueur de football.

Comment évalue-t-on le prix d’un joueur ?

Talent : Zidane

Bien évidemment, c’est le critère principal, la valeur brute du joueur, son talent ; c’est ce que le joueur a à offrir à son employeur, c’est sa force de travail. C’est bien entendu la base essentielle de la côte d’un joueur. C’est ce qui fait que les plus gros transferts concernent uniquement les plus grands joueurs (à quelques exceptions près). Ce n’est donc pas un hasard si les records de transferts ont été détenus tour à tour par Cruijff, Maradona, Ronaldo, Zidane ou Cristiano Ronaldo.

 

Âge: Neymar

Elément clé pour l’établissement de la cote d’un joueur. En effet, à talent égal, un joueur de 23 ans et un joueur de 34 ans n’offrent pas les mêmes perspectives pour l’employeur. L’un est en phase ascendante, l’autre en phase descendante. C’est ce qui explique en partie le prix du transfert d’Anthony Martial, ou encore pourquoi Neymar vaut aujourd’hui plus qu’un Cristiano Ronaldo. Mais ce n’est pas le seul élément.

 

Année de contrat: Schweinsteiger

Autre gros critère à prendre en compte : les années de contrat à racheter au club employeur du joueur. Le club acquéreur indemnise le club vendeur de la rupture de contrat entre le joueur et son ancienne équipe. Plus le nombre d’années de contrats restantes est élevé, plus l’indemnité sera élevée, c’est pourquoi, par exemple, Schweinsteiger n’a coûté que 9 millions d’euros lors de son départ de Munich pour Manchester puisqu’il ne lui restait qu’un an de contrat. S’il était parti un an plus tôt tout laisse à penser qu’il aurait coûté 15 à 20 millions de plus. C’est également ce qui explique que de bons joueurs soient transférés gratuitement : car ils sont libres, ils ne sont plus liés par un contrat. A l’image du cas Khedira parti à la Juventus cet été.

 

Prix d’achat: Di Maria

Le secteur du sport et du football en particulier est assez spécial. Le but premier étant la performance sportive et non la performance économique, même si les deux sont liées (certains doutes subsistent pour quelques clubs comme l’AS Monaco aujourd’hui). Le club reste cependant une entreprise, et a aussi pour ambition de réaliser des plus-values. Ainsi, le prix d’achat d’un joueur définit une base pour évaluer son prix lors de sa revente. Le prix peut être revu à la baisse si le joueur est vieillissant, en baisse de régime ou s’il rencontre des problèmes physiques. Di Maria, par exemple, d’une année à l’autre, a été vendu à un prix différent : 75 millions d’euros du Real Madrid à Manchester United et 63 millions d’euros de United au PSG. Cela s’explique par le fait qu’il n’a effectué qu’une saison entre les deux transferts. Une saison durant laquelle il a été particulièrement moyen.

 

Sélection internationale: Fekir

Donnée très importante ; c’est le fait que le joueur soit international ou non. Le seul fait d’avoir porté les couleurs d’une sélection permet d’augmenter la valeur d’un joueur. Bien entendu, cette valeur dépend de la sélection en question et de la date de sa dernière sélection. Le mécanisme est le même pour les jeunes joueurs ayant des sélections espoirs. Cela peut causer un conflit d’intérêt, car la cote des joueurs augmente selon le statut d’international ou non. Les sélectionneurs qui ont pour conseillers des agents de joueurs, peuvent se trouver parfois dans l’embarras : ce sont les accusations qui ont été portées pour le choix de Fekir de rejoindre la France et non l’Algérie, son agent étant Bernes, le conseiller de Didier Deschamps. Qui plus est, cette démarche pouvait représenter un intérêt pécuniaire pour l’OL.

 

Potentiel commercial: Pogba Verratti

Et oui, une bonne bouille, un charisme, un personnage, ou ce que les plus jeunes appellent « le swag », permet d’augmenter notablement le prix d’un joueur. En effet, les retombées économiques en produits commerciaux prévues par les clubs acheteurs justifient ces augmentations de prix. C’est par exemple une des raisons qui font que Pogba vaut aujourd’hui plus cher sur le marché qu’un Verratti, pourtant d’âge et de talent quasi équivalents.

 

Le poste: Mangala

Cela ne peut vous échapper : parmi les plus gros transferts de l’histoire, on ne retrouve que des joueurs à vocation offensive. Encore une fois, dans une logique purement économique et commerciale, un joueur offensif génère plus d’argent qu’un joueur défensif. Le défenseur le plus cher de l’histoire, Mangala à coûté deux fois moins cher que le joueur offensif le plus cher de l’histoire : Bale.

 

Expérience et carrière: Lyon

Un joueur qui a, par exemple, fait ses preuves en Ligue des Champions ou en coupe d’Europe est une valeur plus sûre qu’un joueur ayant seulement brillé dans un championnat mineur. Une sorte de garantie qui fait diminuer le risque, et donc augmenter le prix. C’est d’ailleurs ce qui a défini la politique de l’OL l’été dernier. La manœuvre ayant consisté à prolonger et revaloriser les jeunes pousses de l’OL qui sortait d’une bonne saison. Le but étant de vendre certains d’entre eux la saison suivante, après qu’ils se soient fait connaître et qu’ils aient prouvé leur valeur en Ligue des Champions, afin de les vendre à un meilleur prix. Le pari semblait astucieux, malheureusement, la saison moyenne vécue par le club et l’élimination prématurée font que des joueurs comme Lacazette, Tolisso ou Umtiti ne seront sûrement pas vendus à prix d’or l’été prochain comme l’aurait souhaité J.M Aulas.

 

La forme physique: Paul-Georges-Ntep

Un très bon joueur qui revient de blessure laisse planer un doute. Nombreux sont les joueurs qui ne se sont jamais remis d’une grave blessure comme Falcao par exemple, ainsi le Stade Rennais vendra Paul-Georges N’Tep pour un prix moindre que celui qu’il aurait pu espérer si le joueur était moins sujet aux blessures. Ceci dit, un très bon euro de la part du Rennais pourrait faire oublier ses blessures.

 

Le buzz: Lucas

Encore dans une logique de retombée commerciale, le buzz fait partie intégrante des critères pour établir une cote. Ce buzz peut avoir plusieurs origines. Par exemple, la nationalité : c’est le cas de Denilson ou encore de Lucas qui lui n’avait fait ses preuves que dans un championnat mineur brésilien. Aurait-il valut 40 M d’euros s’il avait été Bulgare et avait fait les mêmes performances dans le championnat hollandais ? Sûrement pas. Le championnat brésilien et ses instances se sont fait une spécialité de sur-vendre certains de leurs joueurs. De même qu’un joueur soutenu par un agent médiatique comme Raiola permet de créer un buzz par différentes déclarations qui intriguent et font parler. Ou encore, comme un président de club tel que Zamparini qui sait très bien vendre ses joueurs en leur faisant beaucoup de pub via les médias, que ce soit pour Dybala, Cavani ou Pastore, qui se sont tous très bien vendus.

 

Le T.P.O: hulk

On dit souvent que les clubs portugais, comme Porto ou le Benfica, vendent très bien leurs joueurs. C’est une réalité qui se justifie par une raison très simple : ces joueurs appartiennent à plusieurs entités, c’est ce qu’on appelle le T.P.O (third-party ownership). Ces différentes entités participent à l’achat du joueur et sont donc partie prenante lors de sa revente. Ce sont donc plusieurs entités qu’il faut payer pour l’achat du joueur, d’où les sommes exorbitantes pour des joueurs simplement bons comme Mangala ou Hulk. Cette pratique a été interdite par la F.I.F.A depuis mai dernier mais prend une autre forme en s’immisçant directement au sein des clubs de manière officieuse, que ce soit à Monaco ou Valence.

 

Les clauses contractuelles : thiago-alcantara

Certains joueurs signent des contrats avec des clauses spécifiques, notamment parfois des clauses libératoires qui permettent à un joueur d’être transféré sans même l’accord de son club. Le Barça en fit l’amère expérience durant l’été 2013 : la pépite Thiago Alcantara est alors transférée pour seulement 24 millions d’euros. La raison ? Le Barça fit signer un contrat en 2011 au joueur, élevant sa clause libératoire à 90 millions d’euros, avec notamment une condition : jouer 60% des matchs. Sinon cette clause descendait à 21.7 millions d’euros. Le joueur en manque de temps de jeu n’a pas été difficile à convaincre par Pep et son frère (accessoirement agent du joueur).

 

Concurrence et situation des clubs: anthony-martial

Pour revenir au transfert d’Anthony Martial, le montant de son transfert a surpris tout le monde, mais reste explicable. En effet, un autre critère est le contexte et la concurrence pour acheter un joueur. Ainsi l’été dernier, Manchester en pleine reconstruction se sépare de Van persie, Falcao et Di Maria et doit donc se trouver une nouvelle star. United tente d’enrôler Bale, sans succès, à quelques heures de la fin du mercato, Manchester n’a plus beaucoup de possibilités et se doit de faire un grand coup. Le club tente Martial, le problème est que Chelsea est déjà dans la course et propose déjà plus de 50 millions d’euros pour le gamin des Ulis. Manchester surpaya donc avec dimportants bonus à la clé, anticipant les futurs retombées commerciales en premiere league et donc l’évolution du marché. Si le jeune francilien réussi en Angleterre, il serait facilement vendu pour plus de 80 millions d’euros dans quelques années. C’est aussi ce qui explique la somme record du transfert de Bale en 2013. Le Real vient de se faire doubler par le Barça sur le dossier Neymar et doit réagir avec un gros nom, le Gallois, deux fois élu meilleur joueur de Premiere League et meilleur joueur britannique, représente un enjeu commercial majeur sur le marché britannique, Madrid n’hésite pas et signe un chèque de 99 millions d’euros, un transfert assez vite rentabilisé.

 

Conjoncture économique du marché:

Voici le facteur le plus important, celui qui fait que le même joueur avec les mêmes qualités aurait coûté 0.2 millions d’euros il y a 50 ans et en vaut 100 millions aujourd’hui. C’est cette conjoncture qui fait que depuis 20 ans, avec l’explosion des revenus commerciaux et des chiffres d’affaires des grands clubs, les prix flambent. Avec le nouveau rachat des droits audiovisuels du championnat anglais à prix d’or, une chose est sûre : le prochain mercato risque de repartir sur les bases établies par le transfert de Martial. C’est cette conjoncture qui explique la chronologie des records de transferts :

 

Transfert

Ce sont donc là les principaux critères qui établissent le prix d’un joueur. Il faut ajouter à cela, que certains transferts échappent par moments à toute logique. Pour exemple le transfert vers l’OM pour seulement 1 million d’euros de Georges Kevin N’koudou, pourtant international espoir. Aujourd’hui, le monde du foot connait un tournant avec le rachat des droits TV en Premiere League qui permettront à ces clubs de surpayer. On risque alors de voir exploser le prix de certains joueurs par la seule présence de clubs anglais sur le dossier. Mais une chose est sûre : le prix des joueurs ne sort jamais d’un chapeau mais répond bien à une logique économique, et continuera de la sorte, même si les transferts semblent de plus en plus fous.