Droits TV : quand le droit évolue et accompagne le développement économique

« Un jour béni pour le football français ». Jamais avare de bons mots, Jean-Michel Aulas, président de l’Olympique Lyonnais, s’était félicité en mai 2018 de la hausse des d roits TV de la ligue 1. Il faut dire que les droits d’exploitation audiovisuelle des manifestations sportives constituent une ressource indispensable à l’économie du sport moderne

Droits TV : quand le droit évolue et accompagne le développement économique

Il est intéressant de voir que du fait de l’enjeu qu’ils représentent, les droits TV ont très tôt fait l’objet d’un encadrement législatif et règlementaire afin de garantir un fonctionnement vertueux. Il est d’autant plus intéressant d’observer que ce cadre a évolué et a contribué à tirer les montants des revenus issus des droits de retransmission à la hausse.

 

On peut distinguer deux catégories d’obligation. En premier lieu les modalités de commercialisation des droits d’exploitation audiovisuelle des manifestations sportives. En second lieu, les règles de répartition des revenus tirés de ces cessions.

 

S’agissant de leur commercialisation, le code du sport prévoit un cadre devenu plus contraignant au fil du temps. Auparavant le code du sport imposait une procédure qui devait être opérée « avec constitution de lots, pour une durée limitée et dans le respect des règles de concurrence » en vertu de l’article 18-1 de la loi du 16 juillet 1984 relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives. Ce cadre a évolué afin de suivre la mutation du marché des droits audiovisuels sportifs et pour prévenir les litiges devenus de plus en plus nombreux lors des consultations. Premier avatar de la guerre entre diffuseurs, la consultation organisée par la ligue nationale de football en novembre 2002 avait débouché sur une plainte de TPS pour « abus de position dominante ». La chaîne satellitaire faisait face à Canal +, qui avait raflé des lots malgré une offre inférieure à celle de TPS, en incluant de surcroit une « prime d’exclusivité » qui allait être retoquée en janvier 2003 par Le Conseil de la concurrence.

 

Ainsi, en 2004 un décret est venu préciser les conditions d’attribution de manière plus précise avec des règles toujours en vigueur. En l’état actuel du droit, les droits audiovisuels doivent être cédés selon une procédure d’appel à candidature publique et non discriminatoire, comme c’est le cas pour les droits de diffusion de la Ligue 1. Pour ce qui est du contenu des droits cédés, les lots doivent être constitués en tenant compte du marché et ne peuvent être attribués que selon des critères établis à l’avance. S’agissant de la durée de cession des droits audiovisuels, un décret prévoyait dès 2003 une durée maximale de 3 ans. En 2007, une réforme a porté cette durée à 4 ans.

 

Ces règles ont vocation à garantir l’objectivité de la procédure mais sont également sensées favoriser l’obtention du montant le plus élevé possible. De leur côté, les clubs de football professionnel s’activent en coulisse pour tenter de faire grimper les montants de la commercialisation. En février 2018, à l’occasion du colloque Think Football, Jean-Michel Aulas avait révélé que les clubs de ligue 1 ont décidé d’engager le processus de création d’une société de développement, dont ils seraient actionnaires. Inspiré du modèle anglais, cette structure, indépendante de la Ligue de Football professionnel, pourrait revendiquer le droit de gérer le prochain appel d’offre de droits TV. Reste que pour éviter toute bulle spéculative, les clubs de ligue 1 ont aussi tout intérêt à renforcer l’attractivité du championnat sur les pelouses, en recrutant des joueurs de renom et en s’écartant définitivement de quelques principes de jeu (on citera pèle mêle « quand on ne gagne pas, il faut savoir ne pas perdre » ou encore « on était venu pour prendre 1 point »)

 

Fermons cette parenthèse et penchons sur la façon dont le montant obtenu est réparti.

 

De ce point de vue les clés de répartition qui ont été posées dès la loi de 1984 sont constituées par des objectifs laissant une large latitude aux parties prenantes et actuellement énoncées à l’article L 333-3 du Code du sport.

 

Les droits audiovisuels générés sont (doivent) être partagés entre la fédération, la Ligue professionnelle et les sociétés sportives (forme juridique des clubs professionnels ayant atteint des seuils de chiffre d’affaire ou de masse salariale fixés par le Code du sport). Le partage entre la Ligue et la Fédération est déterminé par une convention.

 

S’agissant des revenus qu’ont vocation à percevoir les sociétés sportives, ils leurs sont attribués selon « un principe de mutualisation, en tenant compte de critères arrêtes par la ligue et fondés notamment sur la solidarité́ existant entre les sociétés, ainsi que sur leurs performance sportives et leur notoriété. ». La Ligue professionnelle de la discipline et les sociétés doivent donc trouver un équilibre entre mérite et intérêt commun. Cette « obligation » de conciliation et cette interdépendance des sociétés sportives devrait trouver un écho particulier avec le débat autour des règles de répartition qui doivent être mise en place suite à l’attribution des droits audiovisuels de la Ligue 1 pour les saisons 2020 à 2024 pour le montant record de 1,2 milliard d’euros.