Ici, c’est les paris

Durant l’Euro, des voix se sont élevées contre la communication des opérateurs de paris sportifs. Ces pratiques enfreignent-elles le cadre juridique en vigueur ? Décryptage

Ici, c’est les paris

Qu’il s’agisse du registre de langue utilisé (« Tout pour la daronne », « no bet, no game »), de l’univers convoqué (la cité célébrant ses héros), de la direction artistique ou encore des ambassadeurs (rappeurs comme Dinos, influenceurs comme Mohammed Henni, humoristes comme Thomas Ngijol), tout est pensé pour plaire au jeune public des quartiers populaires.   

 

La pression des plan media est telle que dans les transports en commun, à la télé, à la radio, sur YouTube ou sur les réseaux sociaux, il était impossible d’échapper à ces publicités.

 

Mais quel est l’encadrement juridique prévu pour la communication sur les paris sportifs ?

 

Rappelons tout d’abord qu’en France, le principe applicable est celui d’une interdiction des paris de toutes sortes ainsi que des jeux que l’on peut qualifier de jeux de hasard. L’autorisation des paris sportifs est donc une exception à ce principe. Ensuite, les opérateurs ont l’obligation d’informer les joueurs sur tous les supports de communication des risques liés au jeu excessif ou pathologique. Cette obligation est bien évidemment liquidée en fin de publicité ou reléguée au second plan sur les visuels, à la manière du « manger - bouger » honni par l’industrie agro-alimentaire. 

 

Autre principe : les campagnes de publicité doivent comporter un message rappelant l’interdiction de parier pour les mineurs. Ce message est souvent occulté par les opérateurs. Les publicités sont par ailleurs interdites dans tous les médias qui concernent les mineurs. Il n’y a donc pas de publicité pour les paris sportifs dans Picsou Magasine, sur Gulli ou avant la projection du dernier Disney. En revanche, les publicités aux heures de grande écoute sur des médias regardés par des mineurs sont légion et on en trouve à foison dans la presse sportive. Ajoutons à cela des publis-reportages tels que « Le coin des parieurs » de So Foot, qui, sous des allures d’interview menée par un journaliste, dissimule en réalité une énième publicité encourageant les paris sportifs.  

 

Dès lors, peut-on dire que les opérateurs de paris sportifs enfreignent la loi ? Difficile à prouver. Dans son dernier rapport d’activité, l’Autorité Nationale des Jeux a confié sa « préoccupation croissante » à l’égard des pratiques publicitaires des opérateurs. Avant même le début de l’Euro, l’ANJ avait relevé une hausse de 26% des dépenses publicitaires ces deux dernières années. Il est donc admis que les méthodes utilisées contreviennent l’esprit de la loi et exposent de plus en plus les mineurs. 

 

Dans ces conditions, une évolution de la règlementation applicable est une piste à explorer. Depuis 1991, la loi Evin encadre strictement la communication sur la consommation d’alcool. Le contenu publicitaire doit se conformer à certaines règles données à l'article L3323-4 du code de la santé publique. Les annonceurs doivent se borner à décrire leur produit sans encourager la consommation et ne doivent pas présenter les effets bénéfiques de l’alcool : désinhibition, socialisation, etc.

 

Comme évoqué plus tôt, les opérateurs de paris sportifs peuvent actuellement se permettre d’affirmer que les paris sportifs amènent des gains, le respect voire l’admiration de ses proches et seule une évolution réglementaire pourra mettre un terme à ces pratiques.